n°44: Technologie traditionnelle à Wallis

P. Simutoga. Paris, 1992, Prix: 150 F; 22.87 €
        

Ce mémoire sera divisé en quatre parties. La première présentera le milieu physique, social, culturel et politique où se situe notre objet d'étude et sera intitulé: l'île de Wallis, passé et présent. Dans la deuxième partie, nous étudierons l'institution du travail et la place du tufuga au sein de l'organisation sociale traditionnelle. Ce qui nous amènera au travail du tufuga en analysant les techniques et connaissances de base dans la troisième partie avant de suivre en détails dans la quatrième partie un exemple de la mise en œuvre de l'art des tufuga: la construction d'une pirogue. Enfin, des conclusions générales seront tirées et tenteront de répondre aux questions préliminaires de l'introduction.


Introduction

Le but de ce travail a été d'étudier le fonctionnement du corps de métier de tufuga, nom que l'on donne aux charpentiers traditionnels de l'île Wallis. J'avais observé que les tufuga maniaient l'herminette avec d'autres outils pendant une construction. J'avais moi-même utilisé l'herminette avec un oncle tufuga pour confectionner un kumete (plat usuel) et je m'étais rendu compte qu'il avait une technique précise pour construire ce plat dans la masse et qu'il procédait par étapes. J'avais été étonné de voir avec quelle aisance il avait taillé le bois et était arrivé à fabriquer un bel objet avec des outils d'un autre âge. Je m'étais dit que ce corps de métier traditionnel devait posséder un savoir ancestral qui, avec le temps, risquait de disparaître. En 1979, j'ai suivi une formation aux Iles Loyautés (Lifou) où existait une section de sculpture d'art mélanésien, mise en place par le Territoire de Nouvelle-Calédonie. Les sculptures étaient réalisées avec des ciseaux ???poss??? et percutés avec un maillet. Je pus accéder ensuite à une formation muséographique en Métropole, de 1982 à 1984, à la Direction des Musées de France. J'ai pu travailler dans les réserves de différents musées nationaux où j'ai eu tout le loisir de contempler les productions des artisans du Pacifique. Mais c'est en suivant les différents séminaires au Collège Coopératif que j'ai eu le projet de faire un mémoire sur la pratique des charpentiers traditionnels wallisiens appels tufuga. De retour à Wallis en 1984, j'ai participé activement à diverses constructions au cours desquelles j'ai manié les outils du charpentier et appris les techniques précises de ces constructions. Nous avons intitulé notre mémoire : "Technologie traditionnelle à Wallis". Pourquoi ? Tout simplement parce que cette recherche étudie les divers éléments, procédés, méthodes employés par les charpentiers traditionnels appels tufuga pour bâtir, construire, fabriquer un ouvrage à Wallis. Quant au sous-titre: "Essai de sauvegarde de la mémoire collective des charpentiers du district de Hihifo", il s'explique par le fait que c'est pour essayer de sauvegarder cette technologie traditionnelle qu'utilisent les charpentiers wallisiens, technologie que plusieurs générations de tufuga (charpentiers) ont utilisée et retransmise jusqu'à nos jours , que cette recherche a été menée auprès des charpentiers d'un des trois districts de l'île Wallis appel Hihifo, dont je suis originaire. L'hypothèse de départ est que les charpentiers wallisiens possèdent une technologie, c'est-à-dire un ensemble de règles qui leur permettent de construire et de bâtir différents ouvrages. En effet, dans la société wallisienne, nous trouvons nombre de constructions et fabrications telles que: les constructions de pirogues, de fale (maisons traditionnelles), d'objets usuels et rituels, et autrefois la taille de la pierre pour la confection de murs de soutènement, de tertres. Ces charpentiers, pour fabriquer ou confectionner, n'utilisent aucun mètre pour mesurer, aucun niveau pour trouver une horizontale ou une verticale et cependant ils confectionnent des constructions ou fabrications dignes des meilleurs charpentiers modernes qui utilisent des machines et des instruments de mesure très précis dans les diverses constructions et fabrications. A partir de ces constats, la question pose est la suivante: quelles sont les règles et quelles sont les diverses caractéristiques d'une telle technologie ? Afin de répondre à cette question, cette recherche a été menée auprès des tufuga eux-mêmes, en respectant la méthodologie suivante. Muni d'un aide-mémoire, j'ai procédé à une série d'entretiens des praticiens qui étaient reconnus comme tufuga dans le district de Hihifo, entretiens portant à la fois sur les procédés techniques et sur les processus sociaux liés à une construction ou fabrication. Mais ces entretiens à eux seuls se révélèrent insuffisants. En effet, beaucoup de procédés techniques et processus sociaux n'apparaissaient pas dans les discussions, par exemple le traçage, acte primordial que l'on doit maîtriser, de même que l'utilisation des outils traditionnels comme l'herminette. Aussi a-t-il fallu procéder à une observation "participante". Pour cela, j'ai été amené à participer aux diverses constructions de pirogues, de fale (maisons), d'objets rituels et fonctionnels...démarche indispensable pour appréhender de l'intérieur cette "technologie traditionnelle". Les tufuga interviewés dans le district de Hihifo ont été: Pour le village de Vailala Visesio Pale et Thomas Seleone. Pour le village de Vaitupu Lafaele Lama et Taniela, fils de Vili, ainsi que Mikaele Sataua Toimoana, actuellement chef des tufuga du district. Pour le village de Alele: Felise Toke et Titako Toke, ainsi que Sapoma Sefo (qui réside actuellement à Nouméa)

 Table des matières

INTRODUCTION GENERALE
PREMIERE PARTIE
L'île de Wallis : présent et passé


    CHAPITRE 1 : L'organisation actuelle de l'île de Wallis

I. Situation géographique et bref historique
II La situation économique
III. Le statut politique du Territoire

CHAPITRE II : L'organisation sociale traditionnelle

I. - L'organisation politique traditionnelle
  1. Deux catégories de personnes et particularités
  2. Les chefs de villages
  3. Le grand chef
  4. Le Roi et son conseil
  5. Les clans et le foncier
II. - L'organisation économique
  1. La famille
  2. Les produits de subsistance
  3. L'élevage
III. - L'organisation socio-culturelle
  1. La répartition des tâches
  2. L'éducation des jeunes
  3. Le mariage
Conclusion de la première partie

DEUXIÈME PARTIE

     CHAPITRE III : Comment on devient tufuga

I. - Légende de Lornipeau

II. - Les tufuga aujourd'hui

III. - La formation du futur tufuga

IV. - L'acquisition du titre de tufuga

V. - Le rôle du tufuga dans la société traditionnelle

CHAPITRE IV : Comment on passe commande au tufuga; les rituels des différentes demandes

I. La commande d'une construction

 II Les particularités de certaines demandes de constructions

  1. Exemple d'une demande de type individuel, faite avec un mau kava (racine de kava) en passant par le grand Chef du district ou le Chef de village
  2. Exemple d'une construction publique appartenant au district de Hihifo mais construite à tour de rôle par les villages pour leur propre district
  3. Autre exemple de demande de construction faite au Chef de district
  4. Exemple de demande de construction appartenant à un village et faite à un tufuga d'un autre village
III. - Le rituel pour une demande de construction (de type individuel)

IV. - Le rituel pour une demande de construction publique pour un village, un district, le pays

     CHAPITRE V : La répartition du travail dans les différents types de constructions

I. - La répartition du travail dans les travaux de type individuel
  1. Pour un fale (case d'habitation)
  2. Pour une pirogue
  3. Pour un objet
II - La répartition des tâches dans les travaux de type collectif
  1. Pour un ouvrage public au niveau du village
  2. Pour une construction publique du district
  3. Pour une construction publique au niveau du pays
III. - La rémunération des tufuga

IV. - Un exemple concret : la construction d'une pirogue racontée par Timo Mikaele du village de Vailala (district de Hihifo)

  1. lère journée de travail
  2. 2ème journée de travail
  3. 3ème journée de travail
  4. 4ème journée de travail
  5. 5ème journée de travail
  6. 6ème journée de travail
  7. 7ème journée de travail
  8. 8ème journée de travail
  9. 9ème journée de travail
Conclusion de la deuxième partie

TROISIÈME PARTIE Technologie et connaissances de base

     CHAPITRE VI : L'outillage des tufuga

I. Lame de pierre, lame de fer : les premiers témoignages écrits

 II. Les différents types d'herminettes

  1. Le toki sila
  2. Le toki liu
  3. Le toki lao lao
III. Les autres types d'outils
  1. La hache
  2. Les hachettes
  3. La scie
  4. Le vilebrequin
  5. La râpe
  6. La lime ou pierre à affûter
  7. Le marteau
  8. Le sabre d'abattis
IV. Les accessoires
  1. moi mamala
  2. lago
  3. tua
  4. huo
  5. kapi
  6. kauta
  7. kau i sipi
  8. maea
  9. kafa
  10. fao akau
  11. fao ukamea
  12. hau
  13. hui

CHAPITRE VII : Les systèmes de mesure

I. - Les parties du corps comme système de mesure

 II. - La ficelle

III. - Le bâton

IV. - Le afo
 
 

CHAPITRE VIII : La connaissance du bois

I. L'anatomie du bois : la terminologie

 II. L'utilisation de la lune dans l'abattage

III. - L'abattage de l'arbre

IV. - Le halage
 
 

CHAPITRE IX : Les techniques de base

I. Le traçage : utilisation du coup d'œil

 II. Les techniques de l'utilisation de l'herminette

  1. Les techniques d'attaque du bois
  2. Manière de diriger l'herminette pour atteindre la précision
III. - Les techniques d'ajustage et d'assemblage
 
 
Conclusion de la troisième partie

QUATRIÈME PARTIE Un exemple de l'art des tufuga: La construction d'une pirogue

Introduction de la quatrième partie

     CHAPITRE X : La construction d'une pirogue: le travail en forêt

I. L'abattage de l'arbre

 II. Du tronc d'arbre à la quille

III. La confection des planches
 
 

CHAPITRE XI : De la forêt au chantier

I. - Les travaux de finition de la quille
  1. Les entailles
  2. Confection d'une membrure longitudinale
II. Le choix de la tonture de la coque

 III. Emplacement de chaque pièce ou principe de l'assemblage de la coque de la pirogue tafa aga

  1. La poupe et la proue
  2. Technique pour ouvrir ou fermer latéralement les parois de la coque de la pirogue
IV. L'ajustage de la coque
  1. La construction des bordés
  2. La confection de la membrure inférieure
  3. L'utilisation du hama (terre boueuse)
  4. Les rajouts
  5. La fixation
  1. Technique de fixation par la ficelle (kafa)
  2. Technique pour ligaturer un assemblage
V. - Montage et assemblage des différentes parties de la coque
     
  1. Le bordage de la coque
  2. Mesure et construction des couvercles
VI. - Le calfatage

CHAPITRE XII: La construction et la fixation du balancier

I. - La construction du balancier
  1. Emplacement du balancier (ama)
  2. La confection des traverses (kiato)
  3. La construction du balancier
  4. Les barreaux de fixation
  5. L'assemblage du balancier
II. - La fixation du balancier
  1. Fixation des deux premières traverses
  2. Pose des barreaux de liaison
  3. Pose des autres traverses et longerons
  4. Pontage de la coque
Conclusion de la quatrième partie

CONCLUSION GÉNÉRALE