PréfaceIntroductionTable des matières

  n°24: Peintres aborigènes d'Australie
  Karel Kupka.III (en noir et couleur). Paris, 1972, Prix: 200 F; 30,49
           Un peintre professionnel devenu ethnographe sur le terrain, s'intéresse à la peinture sur écorce des aborigènes australiens. Plusieurs fois, il va s'installer chez eux, les regarder longuement, étudier leurs mythes, les interroger sur leurs créations. Que prétend faire l'homme australien lorsqu'il s'exprime par le dessin et la couleur? Jamais personne n'était allé aussi profond pour répondre à ces questions. Ce livre, qui est aussi le catalogue descriptif de la collection des 222 écorces australiennes conservées au Musée national des arts africains et océaniens à Paris, en sera la meilleure introduction.

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PREFACE (retour)

 Karel Kupka est peintre. Techniquement il sait tout ce qu'il convient de savoir sur la peinture de chevalet. Mais, une juste mesure de son génieartistique propre, l'amène à s'intéresser à celuid'autrui, celui de ses frères en métier de l'autre bout du monde.On connaît en effet, depuis Sir Baldwin Spencer, les étonnantespeintures sur écorce de la Terre dArnhem, au -nord de lAustralie. On sedoute bien qu'une telle concordance n'est pas dûe au hasard. DepuisSpencer, bien des individus, curieux par métier ou par vocationpersonnelle, sont passés par la Terre d'Arnhem et ont recueilli, par-cipar-là, quelques pièces. Il faudra cependant attendrel'après-guerre 39-40 pour qu'apparaisse le premier ouvrageconsacré aux peintres sur écorce, fruit de la collaboration duProfesseur Elkin et de son élève Ronald Berndt. Ce dernier, quiavait collecté le premier ensemble systématique depuis' Spencer,ne l'a jamais encore publié. C'est bien dommage d'ailleurs. Il aura doncfallu Fobscure et impérieuse vocation d'une personnedéplacée, d'origine tchèque, pour que soit entreprisl'inventaire nécessaire. C'était la rencontre de deux traditionspicturales, aussi raffinées l'une que l'autre, et tout aussi modernes.La connaissance de l'intérieur d'un art aura permis d'en éclairerun autre. Les ethnologues spécialisés de la régionrelèvent d'une école à la fois fonctionnaliste etteintée de durkheimisme, où l'ethnographie de la viematérielle conservait le discrédit où l'avaientjetée les abus des théoriciens allemands des -Kulturkreise - Lavie quotidienne et même l'art ne pouvaient êtreconsidérés comme des sujets d'étudesprivilégiées. Bronislaw Malinowsky'et Radcliffe Brownétaient passés par là. Karel Kupka, n'étant pas audépart ethnologue, ne subissait l'influence d'aucun de cespréjugés. Au contraire, ses connaissances technologiques devaientlui faciliter l'accès à l'approche précise dans ledétail, qui fait se délier les langues. Plus qu'un autre, ilpouvait se rendre compte des facteurs contraignants auxquels ne pouvait sedérober le peintre sur écorce : accessibilité dumatériau, problèmes de son déroulement et de sa mise enforme, palette des couleurs, fabrication et usage des pinceaux. Les formationsuniversitaires classiques y amènent rarement, d'où les erreurs oules négligences de tant d'observateurs, compétents pour certainsaspects, incompétents pour tant d'au tres. Conscient pourtant de sesinsuffisances de départ, Karel Kupka s'est donné du temps. Celivre est le résultat de vingt ans d'efforts, le plus souvent dans desconditions financières difficiles. Il lui a fallu longtemps pourrecueillir un fruit attendu anxieusement, la reconnaissance officielle de lavaleur de ses travaux. Elle lui vint en premier lieu grâce àl'intelligent intérêt quy prit le Professeur Bühler,Conservateur en chef de ce Musée dEthnographie de Bâle,célèbre par près d'un siècle d'expéditionsscientifiques en Océanie. En même temps, le Professeur Elkin,titulaire de la chaire et responsable de Département dAnthropologie del'Université de Sydney, sut voir en Karel Kupka l'instrument du destinpour sortir ce dossier de l'ornière. Ce n'est que bien plus tard que jefis connaissance de notre auteur, et que j'appris à apprécier sondévouement à la cause qu'il avait embrassée, et que jereconnus, dans le processus tâtonnant d'essais et d'erreurs qui avaitété le sien, la naissance d'une méthodevéritablement scientifique appliquée à la fois aux oeuvreset, enfin, aux peintres sur écorce. Le Musée National des ArtsAfricains et Océaniens, situé avenue Daumesnil à Paris,put ainsi accueillir la très belle collection, la mieuxdocumentée qui soit, servant de matériaux à l'analyseproposée ci-dessous par Karel Kupka. Le lecteur appréciera laprudence du spécialiste de renom international qu'est devenu notre ami.Je l'ai vu - et je l'aime pour cela - rejeter peu à peu tellehypothèse qui lui souriait, parce que le recours permanent à latotalité de l'information recueillie ne lui permettait plus de s'yaccrocher. Il eut été si facile, en un dorhaine où lescrupule scientifique est parfois absent, de privilégier telledonnée qui "Collait" avec l'idée de départ etnégliger telle autre qui l'aurait contredite. Spontanémentélaborée par Karel Kupka, la méthode consistant àinventorier tous les aspects perceptibles et attestés de laréalité étudiée rejoignait celle que nous avionssuivie depuis un quart de siècle et qui est à la base de notreenseignement. Ce n'est pas un chemin facile. On rencontre à tout momentun ordre de choses qui vous avait échappé et qui vous obligeà tout reprendre. Le perfectionnisme impénitent qui est laqualité première et le plus gros défaut de Karel Kupka seretrouvait à l'aise dans ce cadre. Pour un art classé comme - pri. mi . tif ", et comme tel jugé le fruit des seulesreprésentations collectives, offrir un catalogue quasiexhaustif despeintres, de leurs oeuvres, et de chacun des éléments symboliquesconstituant le lexique de ce langage coloré, c'est nous apporter unedocumentation dont nous disposons rarement, même pour l'époquemoderne. C'est aussi rendre à la vie ce qui était mort,puisqu 1une oeuvre dépouillée de son contexte n'est plus qu'un objet deconsommation esthétique. Karel Kupka nous apporte de quoi comprendre,jusqu'à la limite de ce qui est possible lorsqu'on n'est pasinséré dans la société, et capable de saisir lapart d'informulé, verbal ou plastique, qui entre dans le dialogue entrele peintre et ceux à qui son art est destiné. C'estdéjà beaucoup, beaucoup plus qu'aucun autre observateur n'a su,ou n'a encore voulu, nous apporter. Il n'est pas négligeable que lacommunauté artistique internationale puisse entendre parler, en tant quecréateurs, de gens comme Mavalan et ses frères en peinture surécorce, et reçoive ainsi une part de la connaissance descapacités inouïes de l'homme lorsqu'il cherche à se trouveret s'exprimer par le dessin et la couleur. Formes et vibrationscolorées, émanant de plaques d'écorce ou palpitant aurythme des ventres humains leur servant de support, avant de se retrouver,identiques et dissemblables à la fois, sur les contenantsfunéraires ou les longues trompes djidjeridoo, cet universmystérieux des peintres de la Terre dArnhem nous est rendu accessiblegrâce à Karel Kupka. Réjouissons nous donc.

Jean GUIART

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INTRODUCTION (retour)

    L'ouvrage ici présenté constitue la confrontation d'une recherche personnelle et indépendante avec une documentation bibliographique et iconographique rassemblée de sources diverses. Cette entreprise fut orientée différemment au début. Peintre voulant trouver une réponse à la question obsédante "Pourquoi la peinture ? " je me suis tourné vers les arts préhistoriques et ceux appelés primitifs, plus précisément vers la peinture des aborigènes australiens. Le résultat de cette étude comparative est contenu dans un ouvrage, publié en 1962, "Un art à l'état brut". Toute comparaison qui repose sur des données insuffisamment dégagées est peu satisfaisante pour celui qui l'entreprend avec désir de précision. C'est ainsi que cette tentative n'aura pas de suite, pour l'instant tout au moins. Au lieu de poursuivre des spéculations d'artiste, j'appliquai alors une méthode quasi juridique ? héritage d'études lointaines ? à une recherche systématique concernant un art spécifique, entre autres quant à la critique des sources et quani au moyen de la preuve. De peintre je devins apprenti ethnographe, conversion faite surtout grâce à l'intérêt des professeurs A. P. Elkin et Jean Guiart, et à l'aide matérielle d'organismes publics, notamment le Centre National de la Recherche Scientifique et l'Institut Australien des Etudes Aborigènes. Une partie de la documentation photographique étudiée n'est "mienne" que par un effort de compilation. Pour faciliter la référence, je désignerai les institutions auxquelles les pièces décrites appartiennent, ainsi que les ouvrages d'où elles sont reprises, par des abréviations expliquées dans des "Notes explicatives qu'on trouvera p. XI, XII, XIII. Pour indiquer les pièces déjà reproduites dans mes publications anciennes et permettre de s'y référer plus aisément, je donnerai, dans les mêmes "Notes" leur recensement numéroté.

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    TABLE DES MATIERES (retour)

PREMIRE PARTIE : L'HOMME ET L'ART AUSTRALIENS, OBSERVATIONS ANCIENNES

ÉTAT ACTUEL DE NOS CONNAISSANCES

LE PASSÉ ABORIGÈNE

ISOLEMENT ET TRADITIONS

MISE A U POINT

LA SITUATION ACTUELLE

LES "RÉSERVES "

L'HABITA T

ALIMENTATION ET RÉPARTITION DES TÂCHES

ÉDUCATION

ARTISANAT ET OCCUPATION DIVERSES

LOISIRS

ADAPTATION A LA VIE MODERNE

IMPORTANCE ET VALEUR DES ARTS

POPULARITÉ RÉCENTE DES ARTS PLASTIQUES

DEUXIEME PARTIE : MODALITÉS D'UNE RECHERCHE

A PRÉPARATION THÉORIQUE, COLLECTIONS EUROPÉENNES, RECHERCHE ICONOGRAPHIQUE ET ÉTUDES DES STYLES

RECHERCHE BIBLIOGRAPHIQUE

DOCUMENTATION PHOTOGRAPHIQUE

LACUNES DANS LA DESCRIPTION DES OEUVRES

NÉCESSITÉ D'UNE COLLABORATION SCIENTIFIQUE

SOURCES DE NOS RENSEIGNEMENTS

RÉALISATION DES FICHES TECHNIQUES

B ENQUÊTE SUR LE TERRAIN

OR GA NISATION DE LA MISSION

ÉTABLISSEMENT D'UN ITINÉRAIRE

SÉJOUR SUR LE TERRAIN

RELATIONS ENTRE LE CHERCHEUR ET SES "INFORMATEURS"

RECUEIL DE RENSEIGNEMENTS ET DE COLLECTION

CONCLUSION DE L'ENQUÊTE

TROISIEME PARTIE : VOCATION ET MÉTIER DE PEINTRE UN PEINTRE DANS UNE SOCIÉTÉ SANS ÉCRITURE

DES FONCTIONS DE LA PEINTURE

ÉCORCES PEINTES : CHOIX ET PRÉPARATION

COULEURS ET PINCEAUX

PROCÉDÉS DE TRAVAIL

TRAITEMENT DE L'ESPACE ET DES THÈMES

PIÈCES "SCULPTÉES ? PEINTES, RITUELLES ET AUTRES

PEINTURE RITUELLE CORPORELLE

INFLUENCE DE LA PEINTURE PARIÉTALE

UTILITÉ ET FONCTION DES ÉCORCES PEINTES

LES PEINTRES

INDEX GENERAL

INDEX VERNACULAIRE

LES OEUVRES RÉPERTOIRE DES COLLECTIONS RAPPORTÉES EN 1964 PAR LA MISSION KAREI, KUPKA AU MUSÉE DES ARTS AFRICAINS ET OCÉANIENS

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