Sommaire du n° 112

Année 2001-1

NUMÉRO SPÉCIAL " MICRONÉSIE PLURIELLE "
sous la direction de Anne Di Piazza et Beatriz MORAL

Articles
Anne DI PIAZZA
Avant-Propos
Forward
Paul RAINBIRD
Deleuze, Turmeric and Palau: rhizome thinking and rhizome use in the Caroline Islands
Carmen Petrosian-Husa
Les lavalava - Objets de valeur féminins aux îles rei metau
Beatriz MORAL
Légendes et récits " érotiques " à Chuuk (Micronésie)
Jean-Christophe GALIPAUD
Le peuplement initial de Pohnpei
Anne DI PIAZZA et Erik PEARTHREE
L'art d'être pirogues de voyage en Océanie insulaire
Elizabeth KEATING
Language, Identity, and the Production of Authority in New Discursive Contexts in Pohnpei, Micronesia
Teresa DEL VALLE
L'anthropologie micronésienne et son enseignement en Espagne
Comptes rendus d'ouvrages par
Adriano FAVOLE
Ethnologie et architecture. Le Centre culturel Tjibaou, une réalisation de Renzo Piano (Alban Bensa)
Éric WITTERSHEIM
Bridging Mental Boundaries in a Postcolonial Microcosm. Identity and Development in Vanuatu (William F. S. Miles)
Gilles BLANCHET
La France d'Outre-Mer. Critique d'une volonté française (Fabienne Federini) et Les outre-mers français : des espaces en mutation (Didier Benjamin et Henry Godard)
Isabelle LEBLIC
Gabriel Païta, témoignage kanak. D'Opao au pays de la Nouvelle-Calédonie. 1929-1999 (Jérôme Cazaumayou et Thomas de Deckker)
Emmanuelle CRANE
Découverte photographique de la Nouvelle-Calédonie 1848-1900 (Serge Kakou )

Actualités

Appel à contribution : colloque CORAIL 2001
Compte rendu de l'Assemblée générale de la Société des Océanistes du 31 janvier 2001
Compte rendu du Conseil d'Administration du vendredi 2 mars 2001
Liste des conférences de la Société des Océanistes (1999-2000)
Avant-Propos

par Anne DI PIAZZA

Au commencement, racontent les I-Kiribati, était un contenant que Naareau entrepris de casser, désireux d'animer le rien. Déclinant, tout en chantant, l'identité des occupants de cette boîte, Naareau permet à ces derniers de prendre forme, de s'animer, de se redresser et de séparer le ciel et le sable. L'île de Nikunau est née. Naareau s'empare ensuite de quelques grains de sable qu'il jette au Nord, au Sud, à l'Ouest et à l'Est. L'archipel est créé.

Comme nous l'apprend ce mythe cosmogonique, au départ était l'indifférencié (le contenant) qui, par une coupure, celle instituée par le langage - le chant -, permet aux choses d'être nommées, classées et de prendre vie. Bien des mythes postulent une indifférenciation originelle et racontent comment l'homme, de par son activité classificatoire, a introduit des différences et des relations au sein d'une totalité confuse et chaotique. Ils expriment aussi la façon dont une population se situe dans son environnement en définissant les limites géographiques de son monde. Nikunau, la première île, n'est pas isolée, elle est d'emblée saisie comme l'interface de l'autre : l'archipel.

On peut penser que Dumont d'Urville, lorsqu'il propose, le 27 décembre 1831, à la Société de Géographie, un découpage de l'Océanie en quatre régions principales : l'Océanie occidentale ou Malaisie, l'Océanie méridionale ou Mélanésie, l'Océanie orientale ou Polynésie, enfin l'Océanie boréale ou Micronésie, ne fait pas autre chose que d'introduire des discontinuités, des entités, peut-être même des unités au sein d'une Océanie indifférenciée. Une différence fondamentale subsiste pourtant entre l'acte créatif de Naareau et celui entrepris par Dumont d'Urville. Ce dernier en effet n'a pas fait naître la Micronésie du néant : les 2500 îlots qu'il décide d'unir sous un seul nom existaient déjà, tout comme leurs habitants. Est-ce étonnant d'ailleurs, si ces insulaires - recréés - ne disposent pas dans leur langue vernaculaire de terme pouvant désigner ce même ensemble géographique ? Certes, aujourd'hui, les habitants des différentes îles acceptent de s'auto-désigner Micronésiens, autrement dit acceptent de plus en plus cette appartenance qui leur a été signifiée du dehors. Mais en se nommant de la sorte ne cherchent-ils pas, par le mot, à alimenter un discours " du rassemblement, de la similarité qui permet non plus des oppositions tribales mais des distinctions plus larges " (Lory, 1983 : 746) ? Car si tel n'est pas le cas, quelle identité culturelle collective recouvrirait cette entité géographique ?

Pour répondre à cette question, privilégions, tout d'abord, la perspective archéologique et l'éventualité d'une origine commune pouvant créditer la thèse de l'entité. Les premières recherches effectuées en ce domaine remontent à 1949-1950. C'est aux îles Mariannes et plus particulièrement à Saipan, Tinian et Rota qu'Alexander Spoehr met au jour une poterie à engobe rouge décorée d'impressions dans un niveau daté de 1527 ± 200 BC. La présence de ce type de céramique aux Philippines laisse à penser que les Micronésiens occidentaux sont originaires de cette partie du monde. Le passé de la Micronésie centrale et orientale est beaucoup plus récent. Il remonte à 2000 ans. Cette discontinuité entre, d'une part, la Micronésie occidentale et, d'autre part, la Micronésie centrale et orientale, semble refléter les deux grandes familles linguistiques rencontrées. Les linguistes distinguent en effet le malayo-polynésien occidental - auquel se rattache le chamorro des îles Mariannes et le palau - du micronésien nucléaire, qui comprend la langue des îles Marshall, Kiribati, Kosrae, le sous-groupe de Ponhpei et la chaîne dialectale de Chuuk, dont l'origine pourrait se situer au nord du Vanuatu.

Privilégions maintenant la perspective ethnologique. L'analyse des structures sociales des diverses sociétés étudiées a révélé une très forte prééminence du système de filiation de type matrilinéaire, comme une prédominance de la terminologie de parenté de type hawaiien. Cependant, aussi prépondérantes soient-elles, ces structures sociales ne peuvent pas pour autant être généralisées à toutes les sociétés. Ainsi, l'archipel des îles Gilbert, les enclaves polynésiennes de Kapingamaragi et Nukuoro, enfin les îles de Sonsorol et Tobi présentent un système cognatique. Yap, Ulithi, Chuuk et Ponhpei ont une terminologie de parenté de type crow, les Marshall et Nauru de type iroquois. Un autre trait culturel fortement répandu dans cette région est l'organisation sociale en district, qui sont matérialisés par l'existence de maisons communes. La ressemblance s'arrête là, puisque ces maisons sont hexagonales à Yap et rectangulaires aux Carolines, ouvertes à l'ensemble de la population aux Gilbert et réservées aux hommes aux Carolines. Quant aux structures politiques, elles sont aussi diverses que variées. Les gérontocraties des Gilbert du sud côtoient des systèmes à rangs et à titres fondés sur des droits de descendance plus ou moins linéaires et sur la primogéniture, qui dépassent parfois le cadre de l'île comme aux Marshall et à Yap.

Force est de reconnaître que la " Micronésie " recouvre une réalité que la pluralité même des îles et des sociétés rencontrées rend équivoque, et qui ne supporte pas autant de sens qu'on le présumait. L'ensemble géographique " Micronésie " s'est fait mythe, et sa nomination y a largement contribué, car la seule prononciation du mot - Micronésie - " crée l'image, produit le mythe et du même coup le fait fonctionner " (Augé, 1992).

Ce numéro spécial du Journal de la Société des Océanistes nous fait découvrir une " Micronésie " sous un nouveau visage : une Micronésie plurielle ; aussi plurielle qu'est sa vraie réalité géographique : une myriade d'îles, une myriade de sociétés, une myriade de conceptualisations du monde. Chaque article ici présenté, suite au premier colloque européen sur cette " Micronésie ", organisé par Beatriz Moral et moi-même, révélera en effet à l'appui de recherches soit ethnographiques soit archéologiques, la singularité de chaque société insulaire étudiée, mettant enfin en valeur - en lumière - l'immense diversité culturelle qu'offrent ses îles qui n'ont finalement en commun que l'îléité et le principe qui l'anime : celui d'inventer le monde, son monde.

Si l'application du qualificatif " micronésien " à l'ensemble des habitants de cette région constitue une généralisation abusive, Paul Rainbird nous révèle que cette généralisation-projection issue de l'Occident n'est pas la seule dont ces habitants sont les victimes. Ainsi en est-il de leur intégration dans la grande classification des modes de pensées établie par Deleuze et Guattari. Ces auteurs, on s'en souvient, avaient ordonné les sociétés d'après deux grandes catégories de modes de pensées : celui " en arbre " observé par les sociétés occidentales s'opposant au mode de pensée " en rhizome " qui serait respecté par les sociétés océaniennes. L'auteur montre qu'effectivement les îliens de Palau ont recours à la métaphore du curcuma et donc d'un rhizome pour ordonner leur univers. Cependant, les catégories de pensée dont est investie la représentation du rhizome est d'un tout autre ordre, celle-là même que Deleuze et Guattari associaient à la pensée arborescente, à savoir : la hiérarchie, la généalogie, la linéarité ! Tout en relançant le débat sur l'illusion de la métaphore, comme sur l'utilité de la recherche ethnographique, cet article confirme combien les insulaires font preuve d'inventivité, signe de particularismes.

Les deux articles de Carmen Petrosian Husa et Beatriz Moral consacrés aux manières dont les sociétés de Chuuk et des îles " externes " de Yap gèrent le traitement de la sexualité de la femme dans le cadre d'un système de filiation matrilinéaire ne démentent pas ce singularisme propre à chaque île. Certes, les deux sociétés exhibent la même ambivalence entourant l'identité sexuelle de la femme et, au-delà, les rapports qu'elle entretient avec son frère, père social de ses enfants et père génital contraint à s'effacer devant la figure fraternelle de son épouse. La femme de Chuuk et des îles " externes " de Yap se fait double : femme-sœur et femme épouse-reproductrice, ce qui rend l'enjeu de sa sexualité d'autant plus central puisque de sa gestion dépend l'application du principe matrilinéaire, et donc le maintien de l'ordre social. L'enjeu est donc immense et il n'a pas échappé aux insulaires de ces îles qui voient dans le vagin de la femme l'unique emblème de la sexualité, sans doute aussi et pour reprendre A. Weiner (1992), une possession difficilement aliénable.

Carmen nous montre ainsi comment la société des îles " externes " de Yap investit le corps de la femme et ses parures vestimentaires pour réglementer son identité comme sa sexualité. Elle s'intéresse particulièrement à cette fameuse étoffe ou lavalava offerte aux jeunes filles à leurs premières menstrues et dont le port s'ajustera à leur cycle de vie comme aux relations que ce même cycle leur imposera avec les deux figures masculines : relation d'évitement avec le frère, abstinence sexuelle avec l'époux pendant la période d'allaitement. Et c'est une même dualité entre la femme sexuée (épouse) et la femme asexuée (sœur) qu'exaltent les légendes érotiques et les péripéties des héros culturels de la société de Chuuk décrits par Beatriz. Son article révèle comment cette société parvient à maîtriser cette ambivalence par le biais d'une gestion spatiale réelle et imaginaire de la sexualité. Leur monde se voit ainsi départagé entre la maison, l'espace consanguin où règne l'asexualité, et l'ailleurs où la sexualité doit être confinée. Un ailleurs assimilé à la clandestinité et qui s'étend au-delà des limites que dessinent les côtes de l'île : les esprits de la mer comme les esprits célestes participent de cette sexualité.

Nous le voyons, ces deux traitements de la sexualité féminine et de l'ordre social, aussi différents soient-ils, n'en sont pas moins complémentaires. Ils procèdent tous deux d'une gestion de l'espace, celui du corps et celui de l'île qui ont en commun, il est vrai, d'être confinés comme nécessairement ouverts à l'extérieur.

C'est précisément à ce double phénomène spatial d'ouverture et de fermeture observé sans contradiction par les insulaires, que se consacreront les trois articles suivants. Ils évoquent en effet combien les îles sont des lieux d'ancrage comme des points de départ pour de longs voyages. L'article de Jean-Christophe Galipaud nous initie au phénomène de l'enracinement et de ses modalités. Ses fouilles archéologiques menées sur l'atoll de Ahnd, témoignent de ce que les hommes se sont établis sur les petits îlots qui bordent le rivage de Ponhpei, plutôt qu'à l'intérieur des terres. Les données recueillies permettent d'envisager un peuplement plus ancien, évalué à 2000 BP. Mon propre article, réalisé en collaboration avec Erik Pearthree, est lui résolument tourné vers la mer. Il recense et détaille les pirogues à balancier de l'archipel des Carolines, et montre combien les pirogues à balancier sont des outils de tous les jours et participent à une économie quotidienne et roturière. Il établit, à l'aide d'une simulation, que les habitants des îles coralliennes ont des ressources en bois de marine suffisantes pour subvenir aux coûts des voyages. Cette banalisation des voyages permet de faire de la mer son alliée, d'organiser un monde qui s'étend au-delà de son île, et aux navigateurs d'assouvir leur désir de l'ailleurs. Cette ouverture des îliens au monde de la mer favorise, peut-être plus qu'ailleurs, la communication au sens propre comme au sens figuré. Elizabeth Keating nous décrit la faculté qu'ont les habitants de Ponhpei à s'enrichir de l'autre par le biais des emprunts linguistiques et démontre que l'appropriation d'un concept passe par une accommodation, une remodélisation.

C'est avec Teresa del Valle, pionnière de l'anthropologie micronésienne en Espagne, que nous conclurons cet aperçu des sociétés micronésiennes qui, j'espère, aura convaincu le lecteur de la diversité qu'offrent ces îles et donc de tout l'intérêt de s'y intéresser comme de la restituer, et non de l'uniformiser. Aussi, pour lutter contre cette tentation, facilitée il est vrai par l'efficacité symbolique du concept micronésien, Teresa nous engage à réfléchir, à travers son parcours personnel, sur l'importance de nos institutions scientifiques dans la formation et la structuration de notre propre regard vis-à-vis de l'autre.

Ce numéro spécial a voulu contribuer à cette remise en cause en révélant combien cet autre, communément appelé Micronésien, est un autre multiple, et qu'à trop vouloir lui imposer une unité culturelle, nous réduisons d'autant l'extraordinaire capacité qu'ont ces îles et leurs insulaires à cultiver leur différence.

Références

Augé, M., 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, Paris.
Lory, J. L., 1983. Formes d'organisation de l'espace, territorialité et identité chez les Baruya de PNG. Information sur les Sciences Sociales, 22 (4-5), pp. 721-747.
Weiner, A.B., 1992. Inalienable posessions. The paradox of Keeping - While - Giving, University of California Press, Berkeley.


* Archéologue, CNRS - CREDO, Marseille.
Je voudrais dédier cet avant-propos à Jean-Paul Latouche qui m'a invité à découvrir et à me faire partager la richesse des sociétés des îles Gilbert.


Forward

by Anne DI PIAZZA

In the beginning, according to the people of Kiribati, there was a container which Naareau broke open, wishing to animate the void. Reciting in song the identity of the occupants of this box, Naareau permitted them to take form, to become animate, to stand up and separate the heavens from the sand. The island of Nikunau was born. Naareau then took some grains of sand and threw them to the North, the South, the West and the East. The archipelago was created.

As we understand this cosmological myth, in the beginning everything was undifferentiated (in the container) which, broken open by language - the song - allowed things to be named, classified and to take life. Many myths postulate an original undifferentiation and tell how man, by classification, introduced differences as well as relations into a confused and chaotic mass. They also express how people define the geographic limits of their world. The first island, Nikunau, is not isolated, it is emblematic of the interface with the other, the archipelago.

One might think that when Dumont d'Urville proposed, to the Société de Géographie on December 27, 1831, the division of Oceania into four principal regions : occidental Oceania or Malasia, meridonial Oceania or Melanesia, oriental Oceania or Polynesia and finally boreal Oceania or Micronesia, he did nothing other than introduce discontinuities, entities, maybe even unities, into a previously undifferentiated Oceania. There is a fundamental difference between the creative act of Naareau and that undertaken by Dumont d'Urville. The latter did not in fact give birth to Micronesia, these 2,500 islets which he united under a single name already existed, as did their peoples. Is it surprising by the way, if these (re)created islanders do not have a vernacular term to designate this same geographic assemblage ? Certainly today, the inhabitants of these different islands designate themselves as Micronesians, in other words they accept this foreign division applied from outside. But by thus calling themselves, don't they seek, through the name, to feed a discourse that strengthen " the bringing together, the similarity which no longer allows tribal oppositions, but greater distinctions " (Lory, 1983 :746) ? If this was not the case, what collective cultural identity could extend throughout this geographic entity ?


To respond to this question, let us first turn to the archaeological perspective and the likelihood of a common origin which would support the thesis of unity. The first research in this field was carried out from 1949-1950. It was in the Marianas islands, more particularly on Saipan, Tinian and Rota that Alexander Spoehr brought to light a red-slipped ceramic ware with impressed decorations from a level dating to1527 ± 200 BC. The presence of this same type of ceramics in the Philippine Islands indicates that this was the homeland of the western Micronesians. The prehistory of central and eastern Micronesia is much more recent, only 2,000 years. This discontinuity between, on the one hand western Micronesia and on the other central and eastern Micronesia seems to reflect the distribution of two of the main sub-groups of the Austronesian language family. Linguists have distinguished " Western Malayo-Polynesian " which includes the Chamorro language of the Marianas as well as Palauan from " Nuclear Micronesian " which comprises the languages of the Marshalls, Kiribati, Kosrae, the Ponapean sub-group and the dialect chain of Chuukese. All of these perhaps originate from northern Vanuatu.

Turning now to the ethnological perspective. An analysis of the social structures of the diverse societies already studied reveals the preeminence of the matrilineal descent system and the predominance of the hawaiian type of kinship terminology. However, as preponderant as they are, these social structures do not allow generalization to all these societies. For example, the peoples of the Gilberts, the Polynesian enclaves of Kapingamarangi and Nukuoro as well as the islands of Sonsorol and Tobi have a cognatic system. Yap, Ulithi, Chuuk, and Pohnpei have the crow type, while the Marshalls and Nauru have the iroquois type. Another widespread cultural trait in this region is the organization of society into districts, indicated by the existence of communal meeting houses. The resemblance stops there, since such houses are hexagonal in Yap, rectangular in the Carolines, open to the entire population in the Gilberts and restricted to the men in the Carolines. Turning to political structures, they too are diverse and varied. The gerontocracies of the southern Gilberts are found alongside systems of ranks and titles based on more or less lineal rights of descent and primogeniture, which may even extend beyond a single island as in the Marshalls and Yap. We need to recognize that the term " Micronesia " covers a reality made equivocal by the plurality of these islands and their societies, and does not carry the meaning usually presumed. The geographic unit " Micronesia " has become a myth, and using this label reifies the myth. Simply saying the word - Micronesia - " creates the image, produces the myth and at the same time makes it function " (Augé, 1992).

In this special edition of the Journal de la Société des Océanistes, we will discover " Micronesia " in a new light: a plural Micronesia; as plural as its geographical reality : a myriad of islands, a myriad of societies, a myriad of conceptualisations of the world. All of the articles united here, come from the first European Colloquium on "Micronesia" organized by Beatriz Moral and myself. They show, through ethnographic and archaeological research, the singularity of each island society, illuminating the immense cultural diversity offered by these islands. Islands, which in the end, share only a common insularity and its underlying principle, each having constructed their own world.

If the application of the label "micronesian" to all the inhabitants of this region constitutes an abusive generalization, Paul Rainbird shows us that this generalization-projection is not the only one which comes from the western world and is applied erroneously to the islanders. Another is their integration into the grand classification of modes of thinking established by Deleuze and Guattari, who have ordered societies into two modes of thought : 'tree' thinking found in western societies as opposed to 'rhizome' thinking observed in oceanic societies. Paul clearly shows how the Palau islanders use the metaphor of turmeric and therefore a rhizome to order their world. However, the characteristics of their mode of thought are ones which Deleuze and Guattari associate with tree thinking, that is to say : hierarchical, geneological, linear ! This paper participates in the debate of the illusion of the metaphor. It also demonstrates the value of ethnographic research, in confirming the inventivness of the islanders and highlighting their particularity.

The two articles by Carmen Petrosian Husa and Beatriz Moral focus on the ways the societies of Chuuk and outer island Yap manage the treatment of women's sexuality within the framework of a matrilineal system without contradicting the particularity of each island. Certainly the two societies exhibit similar ambivalence concerning a woman's sexual identity, and beyond that, the relationship she has with her brother, the social father of her children, and with their biological father, who is constrained to abase himself before the fraternal figure of his spouse. A woman of Chuuk and outer island Yap is in fact double : woman-sister, and spouse-reproducer, rendering her sexuality central because its management depends on the principle of matrilinearity, and therefore the maintenance of social order. The interplay of these roles is therefore immense and hasn't escaped the islanders, who have made women's vaginas the unique emblem of sexuality, without a doubt a possession difficult to alienate (Weiner, 1992).

Carmen shows us how the societies of outer island Yap invest the body of the woman and her clothing to control her identity and sexuality. Carmen is particularly interested in the famous woven tissue or lavalava presented to young women at the time of their first menstruation and how the wearing of these lavalava signifies their place in their cycle of life as well as their relations with two masculine figures : avoidance of her brother and sexual abstinence with her spouse while she is nursing. It is this same duality between the sexual woman (spouse) and the asexual woman (sister) which is exalted in the erotic legends and adventures of the cultural heroes of Chuuk that are described by Beatriz. Her article shows how this society masters this ambivalence through the management of sexual space, actual and imaginary. They divide their world into the home, a consanguineal space where asexuality reigns, and the outside to which sexuality is confined. An outside incorporating clandestinity and which extends beyond the limits designated by the shores of their island : the spirits of the sea as well as those of the heavens participate in sexuality with humans. We can see that both these treatments of feminine sexuality and social order, as different as they are from one another, are nonetheless complementary. They both proceed from the control of space, that of the body, that of the island, which may both be enclosed as well as open to the outside.


It is precisely to this double spatial phenomenon of openess as well as closedness, which are not contradictory states to the islanders, that the next three articles investigate. They evoke how islands have served as both safe havens and points of departure for long voyages. The article of Jean-Christophe Galipaud introduces us to the phenomenon of rootedness and its mode of application. His archaeological excavations carried out on Ahnd atoll, testify that people had settled on these little islands lying off the coast of Pohnpei, instead of the interior. His data indicate that the oldest settlement was around 2,000 BP. My own article, written in collaboration with Erik Pearthree, is resolutely centered on the sea. It recounts and details the outrigger sailing canoes of the Caroline islands and shows how these canoes are everyday tools and participate in the economy of the common people. It establishes, through a computer simulation, that coral islanders have enough timber to support the cost of voyaging. This banalization of voyaging allows one to think of the sea as an ally, to organize a world which extends beyond ones own island, and to satisfy the navigator's desires for the external world. This openness of the islanders to the world of the sea favors, perhaps more than elsewhere, communication in the direct as well as in the figurative sense. Elizabeth Keating describes for us the abilities of the inhabitants of Pohnpei to enrich their expression by linguistic borrowing from the other. She demonstrates how the appropriation of a foreign concept is transformed and accommodated.

We conclude this glimpse at Micronesian societies with the work of Teresa del Valle, a pioneer of micronesian anthropology in Spain. By now, I hope the reader is convinced of the diversity of these islands and the value of restoring this plurality rather than constructing uniformity. Instead of being trapped by the label "micronesian", Teresa through her personal voyage, engages us to reflect on the role of our scientific institutions in structuring our viewpoints vis a vis the other.

This special edition should contribute to re-seeing how the other, labeled Micronesian, is a multiple other, and how by imposing too much cultural unity of them, we limit the extraordinary capacity of these peoples to cultivate their differences.

REFERENCES

AUGÉ, M., 1992. Non-lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Seuil, Paris.
LORY, J. L., 1983. Formes d'organisation de l'espace, territorialité et identité chez les Baruya de PNG. Information sur les Sciences Sociales, 22 (4-5), pp. 721-747.
WEINER, A.B., 1992. Inalienable posessions. The paradox of Keeping - While - Giving, University of California Press, Berkeley.

 

* I would like to dedicate this forward to Jean-Paul Latouche who directed my steps toward Micronesia and who shared the richness of gilbertese culture and many thanks to Erik Pearthree for the American translation.
 
Retour à la liste retour au sommaire